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DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

moins réprimante. Les orages d’une âme pieuse et tendre à la fois, qui est tour à tour partagée entre Dieu et son amant, une Héloïse que les souvenirs de la volupté poursuivent dans le sein de la pénitence, une Zaïre éprise de l’objet que son culte lui ordonne de haïr, le cloître et le monde, les illusions de la terre et les menaces du Ciel, tous ces contrastes si dramatiques sont des beautés particulières au christianisme. Il donne non seulement des nuances plus fortes à la peinture des passions déjà connues ; mais il les enrichit encore de caractères absolument nouveaux.

Ceux qui savent étudier dans les mœurs des peuples et des siècles le caractère des différentes littératures, les critiques dont le coup-d’œil a quelque étendue, avoueront sans doute cette influence de nos opinions religieuses sur le talent de nos plus illustres écrivains. Mais peut-être on ne trouvera pas la même justesse dans toutes les observations de M. de Châteaubriand, ou du moins quelques-unes ne seront admises qu’avec des restrictions nécessaires. On lui accordera difficilement que les machines poétiques tirées du christianisme puissent avoir le même effet que celles de la mythologie. Il est vrai qu’il ne se dissimule point les objections qui se présentent contre ce système.

« Nous avons à combattre, dit-il, un des plus anciens préjugés de l’école. Toutes les autorités sont contre nous, et l’on peut nous citer vingt vers de l’Art poétique qui nous condamnent. » Après cet aveu,