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ŒUVRES DE FONTANES.

l’antiquité païenne, et le génie des Grecs à celui des Hébreux. Je choisis le parallèle des beautés d’Homère et de la Bible. Ce rapprochement fut indiqué plus d’une fois par des hommes pieux ; le grave Fleury lui-même, dans son savant ouvrage sur les Mœurs des Israélites, semble retrouver quelquefois les crayons d’Homère et la grâce naïve des scènes de l’Odyssée. Aussi Fénelon aimait-il beaucoup ce livre de Fleury. M. de Châteaubriand, à son tour, me parait avoir saisi des rapports nouveaux dans ces deux monuments du premier âge. Voici comme il les juge :

« Nos termes de comparaison (c’est lui qui parle) seront la simplicité, l’antiquité des mœurs, la narration, la description, les comparaisons ou les images, le sublime.

« Examinons le premier terme.

« 1° Simplicité. La simplicité de la Bible est plus courte et plus grave ; la simplicité d’Homère, plus longue et plus riante. La première est sentencieuse, et revient aux mêmes locutions pour exprimer des choses nouvelles ; la seconde aime à s’étendre en paroles, et répète souvent, dans les mêmes phrases, ce qu’elle vient déjà de dire. La simplicité de l’Écriture est celle d’un antique prêtre, qui, plein de toutes les sciences divines et humaines, dicte, du fond du sanctuaire, les oracles précis de la Sagesse. La simplicité de celle du poëte de Chio est celle d’un vieux voyageur qui raconte, au foyer de son hôte, tout ce qu’il a appris dans le cours d’une vie longue et traversée.

« 2° Antiquité de mœurs. Les fils des pasteurs d’Orient gardaient les troupeaux comme les fils des rois d’Ilion. Mais, quand Paris retourne à Troie, c’est pour y habiter un palais parmi des esclaves et des voluptés. Une tente, une table frugale, des serviteurs rustiques, c’est tout ce que retrouvent les enfants de Jacob chez leur père. Un hôte se présente-t-il chez un prince dans Homère : des femmes, et quelquefois la fille même du roi, conduisent l’étranger au bain ; on le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d’or et d’argent ; on le revêt d’un manteau de pourpre, et on le conduit dans la salle du festin ; on le fait asseoir dans une belle chaise