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ŒUVRES DE FONTANES.

« Après l’exhortation, l’assemblée commence à défiler en chantant : Vous sortirez avec plaisir, et vous serez reçu avec joie ; les collines bondiront, et vous entendrons avec joie.

« L’étendard des saints, l’antique bannière des temps chevaleresques ouvre la carrière au troupeau qui suit pêle-mêle avec son pasteur. On entre dans des chemins ombragés et coupés profondément par la roue des chars rustiques ; on franchit de hautes barrières formées d’un seul tronc d’arbre : on voyage le long d’une haie d’aubépine où bourdonne l’abeille. Tous les arbres étaient l’espérance de leurs fruits ; la nature entière est un bouquet de fleurs..... Dans cette fête on invoque les saints, et surtout les anges, parce que ces bienfaisants génies sont apparemment chargés de présider aux moissons, aux fontaines, aux rosées, aux fleurs et aux fruits de la terre. La procession rentre enfin au hameau chacun retourne à son ouvrage. La Religion n’a pas voulu que le jour où l’on demande à Dieu les biens de la terre fût un jour d’oisiveté. Avec quelle espérance on enfonce le soc dans le sillon, après avoir imploré celui qui dirige les soleils, et qui garde dans ses trésors les vents du midi et les tièdes ondées ! Pour bien achever un jour si saintement commencé, les vieillards de la paroisse viennent, à l’entrée de la nuit, converser avec le curé, qui prend son repas du soir sous les peupliers de sa cour. La lune répand alors les dernières harmonies sur cette fête que l’église a calculée avec le retour du mois le plus doux et le cours de l’astre le plus mystérieux. On croit entendre de toutes parts le travail sourd des germes et des plantes qui se développent dans le sein de la terre. Des voix inconnues s’élèvent dans le silence des bois, comme le chœur de ces anges champêtres dont on a imploré les secours ; et les soupirs du rossignol parviennent jusqu’à l’oreille des vieillards, assis non loin des tombeaux. »


L’esprit du christianisme n’a-t-il pas mis dans cette dernière peinture, outre l’avantage moral, quelque chose de plus tendre et de plus attachant ? Quelle institution dans les villages romains pouvait ressembler à celle de ce bon curé, qui veille entre le temple du Dieu vivant et la demeure des morts ? La marche religieuse dans ces chemins ombragés, et coupés profon-