Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
ŒUVRES DE FONTANES.

Mais, pour mériter la faveur des Dieux des champs, il a soin de reconnaître et de chanter les bienfaits dont ils ont déjà comblé les hommes :

« Ces Dieux instruisirent nos ancêtres à calmer leur faim par des aliments plus doux que le gland des forêts, à couvrir une cabane de chaume et de feuillage, à soumettre au joug les taureaux, et à suspendre le chariot sur la roue. Alors les fruits sauvages furent dédaignés : on greffa le pommier, et les jardins s’abreuvèrent d’une eau fertile, etc. »

Desuevit quernàHis vita magistris
 Desuevit quernà pellere glande famem.
Illi etiam tauros primi docuisse feruntur
 Servitium, et plaustro supposuisse rotam.
Tunc victus abiere feri, tunc insita pomus,
Tunc bibit irriguas fertilis hortus aquas.

Cette harmonie est pleine de grâce. Les vers de Tibulle retentissent doucement à l’oreille, comme les vents frais et les douces pluies de la saison qu’il décrit. Mais tant de gravité religieuse ne dure pas longtemps : le poëte élégiaque reprend bientôt son caractère. Il place le berceau de l’amour dans les champs, au milieu des troupeaux et des cavales indomptées. De là, il lui fait blesser l’adolescent et le vieillard ; et, cédant de plus en plus au délire qui l’emporte, il peint la jeune fille qui trompe ses surveillants, et qui, d’une main incertaine et d’un pied suspendu par la crainte, cherche la route qui doit la conduire au lit de son amant :

Hoc ducec custodes furtim transgressa jacentes
 Ad juvenem tenebris sola puella venit.