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ŒUVRES DE FONTANES.

de citer, en présence d’une philosophie dédaigneuse, ces descriptions si nouvelles et si touchantes. Voici, par exemple, comme l’auteur peint le sacrement de l’extrême-onction :

« C’est à la vue de ce tombeau, portique silencieux d’un autre monde, que le christianisme déploie toute sa sublimité. Si la plupart des cultes antiques ont consacré la cendre des morts, ils n’ont point songé à préparer l’âme pour ces rivages inconnus d’où on ne revient jamais. Venez voir le plus beau spectacle que puisse présenter la terre ; venu voir mourir le chrétien. Cet homme n’est plus l’homme du monde, il n’appartient plus à son pays ; toutes ses relations avec la société cessent. Pour lui, le calcul par le temps finit, et il ne date plus que de la grande ère de l’éternité. Un prêtre, assis près du lit funèbre, console l’agonisant et lui parle de l’immortalité de l’âme. La scène sublime que l’antiquité entière n’a présentée qu’une seule fois, dans le premier de ses philosophes mourant, se renouvelle chaque jour sur l’humble grabat du dernier des chrétiens qui expire. Enfin le moment suprême est arrivé : un sacrement ouvrit à ce juste les portes du monde, un sacrement va les fermer. La Religion le reçut en naissant, et veillait sur lui dans le berceau de la vie : ses beaux chants et sa main maternelle l’endormiront encore dans le berceau de la mort. Elle prépare le baptême de cette seconde naissance ; mais ce n’est plus l’eau qu’elle choisit, c’est l’huile, emblème de l’incorruptibilité céleste. Le sacrement libérateur rompt peu à peu les attaches du fidèle. Son âme, à moitié échappée de son corps, devient presque visible sur son visage. Déjà il entend les concerts des séraphins ; déjà il est prêt à s’envoler loin du monde vers les régions où l’invite cette espérance, à la voix immortelle, fille de la Vertu et de la Mort. Cependant l’Ange de la paix, descendant vers le juste, touche de son sceptre d’or ses yeux fatigués, et les ferme délicieusement à la lumière. Il meurt, et l’on n’a point entendu son dernier soupir ; il meurt, et longtemps après qu’il est expiré, ses amis font silence autour de sa couche, car ils croyent qu’fl sommeille encore, tant ce chrétien a passé avec douceur ! »

Les peintres avaient souvent représenté ces scènes