Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
ŒUVRES DE FONTANES.

Madame de Staël a confondu tant de choses, elle effleure une si grande multitude d’objets, qu’on pourra choisir encore, si l’occasion s’en présente, d’autres textes de son ouvrage pour s’entretenir avec elle. Elle a traité le siècle de Louis XIV presque avec la même légèreté que la Grèce ; et je crains bien que, comme madame de Sévigné, elle aime fort peu Racine. On a promis de comparer son chapitre sur le christianisme aux fragments d’un ouvrage inédit sur un sujet semblable. On remplira cet engagement lorsque les opinions littéraires les plus innocentes ne seront plus traitées comme des affaires d’État ; d’ailleurs, il faut se borner :

Trop de critique entraîne trop d’ennui.


Le style de madame de Staël a quelquefois de l’élévation et de l’éclat. On en connaît les défauts. Le naturel, la clarté, la souplesse, la variété, ne s’y montrent pas aussi souvent qu’on aurait droit de l’attendre d’un esprit qui jette tant d’éclairs dans la conversation ; cela prouve que l’art de parler et l’art d’écrire sont très différents.

Les conversations brillantes vivent de saillies, les bons livres de méditations. Quand on se trouve au milieu d’un cercle, il faut l’éblouir et non l’éclairer. On demande alors aux paroles plus de mouvement que de justesse, plus d’effet que de vérité ; on leur permet tout, jusqu’à la folie ; car elles s’envolent avec les jeux qui les font naître, et ne laissent plus de tra-