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PRÉLIMINAIRE.

Elle commence par un tableau général de la nature, qui, variant toujours ses formes avec la même matière, veut que tous les êtres inanimés et vivants se transmettent une existence empruntée, reçoivent et rendent des secours mutuels. Tout sert, tout est servi : voilà le grand ordre du monde physique et du monde moral. L’instinct parmi les animaux, l’instinct et la raison dans l’homme, forment des liaisons durables ou passagères. Les liaisons formées par le seul instinct finissent entre les premiers, sitôt que les petits n’ont plus besoin du secours des pères et des mères. L’enfance de l’homme est plus longue ; et c’est à la faiblesse, aux infirmités du premier âge, que sont dus les charmes de la société, dont les liens se resserrent encore par la réflexion et la reconnaissance. Cette philosophie, puisée dans la nature même, est bien préférable à tous les paradoxes éloquents du Discours sur l’inégalité des conditions : tant il est vrai que les ouvrages des grands poëtes renferment souvent plus d’idées utiles et saines que ceux des grands philosophes ! La raison en est simple : les premiers ne saisissent dans les objets que ces impressions universelles dont tous les hommes sensibles doivent être frappés ; obligés de peindre leurs pensées, ils parlent toujours aux sens, ces juges les plus sûrs de l’erreur et de la vérité. Aussi les systèmes changent de siècle en siècle, et se précipitent les uns sur les autres : le temps amène sans cesse de nouvelles découvertes et de nouvelles opinions dans l’empire des sciences : mais il ne peut ébranler la