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ŒUVRES DE FONTANES.

dront alors tant d’histoires qu’on intitule philosophiques, si ce jugement est véritable ?

J’ose soutenir contre madame de Staël, que les bons historiens ne sont jamais dénués de philosophie. Il est trop singulier que, dans un ouvrage destiné à son éloge, on convienne qu’elle est inutile aux grands poëtes, aux grands orateurs et aux grands historiens : c’est lui enlever ses plus beaux titres de gloire. Mais par quel motif ne veut-on pas que l’histoire participe à l’influence de la philosophie ? On l’avoue naïvement : c’est que l’infériorité des historiens modernes serait contradictoire avec la progression de l’intelligence humaine. Ainsi donc l’auteur cache, altère ou nie les faits à sa fantaisie, pour soutenir ses opinions du moment ; il abat sans cesse ce qu’il vient d’élever, et relève ce qu’il vient d’abattre, sans jamais s’apercevoir de ses éternelles distractions.

Madame de Staël parcourt successivement les époques de la littérature ancienne et moderne ; elle cherche à marquer le différent caractère des ouvrages qu’elles ont vu naître, depuis les chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome jusqu’aux essais encore informes du génie allemand. Les quatre âges de Périclès, d’Auguste, de Léon X et de Louis XIV, lui paraissent très inférieurs au nôtre, dans ce qu’il y a de plus important, la raison et la philosophie. Le siècle où nous vivons surpasse seul tous les précédents, et les esprits occupés des progrès de la philosophie tiennent la première place de ce premier de tous les siècles. Voilà en peu de mots le secret et le résultat de