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DE LA LITTÉRATURE.

pensée, en même temps qu’il amuse l’imagination ; c’est le premier de tous, c’est le seul dont l’effet soit durable et universel. Le grand peintre Homère est plein de ces belles fables qui sont des emblèmes vivants de la nature ou des passions humaines : telle est la ceinture de Vénus, la chaîne où Jupiter suspend les hommes et les dieux, etc. ; tel est, dans un autre genre, le tableau du Xanthe et du Simoïs personnifiés, et déchaînant tous leurs flots contre Achille, pour défendre les murs de Troie. De pareilles fables sont une image frappante et embellie des réalités. La mythologie ancienne offre une source inépuisable de beautés du même ordre à ceux qui sauront l’étudier en philosophes et en poëtes, c’est-à-dire en la commentant avec Homère et Platon. Le poëte vulgaire raconte des fables qui ne sont que des chimères ; mais le génie peut encore trouver dans le système religieux des Grecs une foule de ces fictions heureuses qui sont des vérités.

Les badinages d’Anacréon lui-même trouvent aussi peu de grâce devant madame de Staël que les tableaux sublimes d’Homère. « Anacréon, dit-elle, est de plusieurs siècles en arrière de la philosophie que comporte soif genre. » Ah ! quelle femme digne d’inspirer ses chansons, s’est jamais exprimée de cette manière sur le peintre de l’amour et du plaisir ! Anacréon en arrière de la philosophie ! quel extraordinaire jugement ! Il a sans doute connu la philosophie aimable que comporte son genre, celui qui donne son nom depuis deux mille ans à toutes les chansons de la joie et de