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DE LA LITTÉRATURE.

pour les arts qui demandent l’accord d’une imagination et d’une âme sensibles. Madame de Staël, qui ne veut pas voir cette supériorité, trouve dans les causes mêmes qui l”établissent des raisons de la nier. Je vais rapporter ses paroles :

« Il existait un dogme religieux pour décider de chaque sentiment ; on ne pouvait refuser la pitié à qui se présentait avec une branche d’olivier ornée de bandelettes, ou qui tenait embrassé l’autel des Dieux. De semblables croyances donnent une élégance poétique à toutes les actions de la vie, mais elles bannissent habituellement ce qu’il y a d’irrégulier, d’imprévu, d’irrésistible dans les mouvements du cœur. »

Quoi ? lorsque l’innocence opprimée embrasse la statue d’un dieu protecteur, trouvera-t-elle des paroles moins éloquentes pour attendrir ses juges ? et même avant qu’elle ait ouvert la bouche, ne sort-il pas du fond du sanctuaire une voix qui semble crier grâce ou vengeance au nom du juge qui cite tous les autres à son tribunal ? Si Coriolan parait tout à coup dans la tente du Volsque étonné ; s’il touche, avant de rompre le silence, l’image des pénates hospitaliers, produira-t-il un effet moins irrésistible en criant : « Je fus ton ennemi, je deviens ton hôte ! je te servirai contre les Romains, comme je les ai servis contre toi : donne-moi une épée, et marchons contre Rome. » Les hommes les plus rapprochés de la nature, les hommes les plus passionnés ont toujours employé cette langue des signes, cette éloquence muette, dont la parole ne peut égaler toute l’énergie. En effet, la pa-