humain n’avait point atteint l’âge de la mélancolie ! Ce trait passe tous les autres cités jusqu’ici. Ne semble-t-il pas qu’il y ait eu pour le genre humain un âge de la gaité, comme on veut qu’il y en ait un de la mélancolie ? Hélas ! a dit un de nos plus aimables poëtes,
En tout temps l’homme fut coupable,
En tout temps il fut malheureux.
Mais il fallait bien trouver quelque cause de l’infériorité
prétendue des Grecs ; et la voilà. Madame de
Staël assure qu’il n’y a rien de grand et de philosophique
sans mélancolie. Elle annonce en même temps
qu’elle est très mélancolique : elle n’aime fortement
que les auteurs qui ont ce caractère. On ne sait trop
pourtant si elle s’est fait une véritable idée de la mélancolie ;
car elle semble avoir du penchant pour Sénèque,
comme plus mélancolique que Cicéron. Le
plus grand nombre de ses jugements ressemble à
celui-là. Il faut donc s’entendre avec elle sur la mélancolie,
puisqu’elle ne parait pas avoir bien défini
ses propres sensations, malgré l’analyse philosophique.
La mélancolie rêve beaucoup, et parle peu. Elle se tient à l’écart, et ne cherche point la foule. Elle jouit en silence de ses plaisirs et de ses chagrins, ou ne les confie qu’à l’oreille de l’amour et de l’amitié. Elle ne se connait point elle-même ; son charme se laisse apercevoir sans qu’elle y songe. Elle craint surtout de rencontrer ces lieux où l’ambition inquiète prête l’oreille à tous les vents de l’opinion,