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ŒUVRES DE FONTANES.

Passons maintenant à la poétique de madame de Staël.

Il a fallu, pour le triomphe du système de la perfection progressive, qu’elle plaçât les Romains au-dessus des Grecs. Elle donne en effet aux premiers une préférence marquée. Les Romains seuls excitent son enthousiasme, et les Grecs, en disparaissant de la terre, ne laissent, dit-elle, que peu de regrets. Ceux qui ont lu avec attention l’histoire grecque et romaine, ceux qui font leurs délices de Plutarque, ne croiront pas, en étudiant ses parallèles, qu’Aristide soit si inférieur à Caton le censeur, Phocion à Caton d’Utique, Lycurgue à Numa, Thémistocle à Camille, Périclès à Fabius, et Cimon à Lucullus[1]. Si on demande à madame de Staël la raison de ce goût exclusif, et qui lui est particulier, on sera bien plus surpris encore.

C’est qu’à Rome tout avait commencé par la philosophie, et que chez les Grecs tout n’avait commencé que par l’imagination. Je ne crois pas qu’on puisse avancer une proposition plus démentie par tous les faits dans ce qui concerne les Romains.

Madame de Staël a-t-elle oublié l’entrevue de Fabricius et de Pyrrhus, si bien racontée dans Plutarque ? On parlait devant le général romain d’une nouvelle philosophie qui se répandait en Grèce, et qui ôtait le gouvernement des affaires humaines à la providence des Dieux. Ô grand Hercule ! s’écria Fabricius,

  1. Voyez les Vies de Plutarque.