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DE LA LITTÉRATURE.

daient indispensable. Qu’en résulte-t-il ? c’est que rien n’est plus frivole que tout ce qu’on veut nous donner pour important. C’est sur ce qui est, et non sur ce qui doit être, sur des certitudes et non sur des possibilités, qu’il faut arranger le plan du bonheur général. Si ces philosophes se contentaient de jouir de leurs idées avec la conviction solitaire d’une méditation contemplative (on sent bien que ces mots sont à madame de Staël) ; s’ils ne voulaient point appeler les passions de la multitude au soutien de leurs systèmes, rien ne serait plus innocent que tous ces jeux de l’esprit, que tous ces rêves de l’avenir dont les âmes les plus arides et les plus désabusées ont besoin, même quand elles ne croient plus rien. Mais ces doctrines qui veulent perfectionner la race future aux dépens de la race présente, ont bientôt l’ambition de parcourir le monde. Et que de ravages peuvent causer leurs diverses interprétations ! Celui qui parle sera sans doute accusé d’être l’ennemi des lumières et de la philosophie. On se trompera fort : mais il croit que, dans ce genre, tout dépend du choix et de l’usage. C’est des lieux élevés que doit partir la lumière ; alors elle se distribue également, alors elle éclaire sans éblouir ; c’est-à-dire qu’un gouvernement très instruit doit mener la foule. Mais si la foule marchait en avant, comme le veulent les novateurs, si ces mouvements n’étaient pas contenus et dirigés avec la plus grande sagesse, nous retomberions dans l’anarchie et l’ignorance, au nom des lumières et des progrès de l’esprit humain : des exemples terribles l’ont prouvé.