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PRÉLIMINAIRE.

tout possédé Horace et Virgile chez les anciens, Racine et Boileau parmi nous, et Pope chez les Anglais. Les écrivains qui ont ce genre de mérite s’agrandissent continuellement dans la postérité ; ils ne craignent point le calme de l’observation : c’est de l’observation même que nait pour eux l’enthousiasme, ce sentiment si peu durable qui devance la réflexion. Cette espèce de beautés était la plus nécessaire à l’Essai sur l’Homme, qui contient les premiers principes de la morale et de la métaphysique, et qui souvent doit renfermer les développements d’un long système dans un seul vers.

En traduisant cette seconde épître, j’y ai remarqué avec étonnement plusieurs passages de Pascal, cet homme extraordinaire, qui remplit une vie si courte de tant de prodiges. Sans parler de sa gloire dans les sciences, sans répéter l’éloge de ce chef-d’œuvre des Provinciales, pour qui la frivolité du sujet n’a point affaibli l’admiration, n’a-t-il pas marqué toute sa force dans les pages détachées de l’ouvrage qu’il préparait, et dont Pope a su recueillir les grands traits épars ? Où se retrouve, où se retrouvera jamais le secret de ce style qui, rapide comme la pensée, nous la montre si naturelle et si vivante, qu’il semble former avec elle un tout indestructible et nécessaire ? L’expression de Pascal est à la fois audacieuse et simple, pleine et précise, sublime et naïve. Ne semble-t-il pas choisir à dessein les termes les plus familiers, bien sur de les élever jusqu’à lui, et de leur imprimer toute la majesté de son génie ? Quel est ce rai-