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DE LA LITTÉRATURE.

dèrent dans un siècle d’ignorance ; et des siècles savants ne l’ont pas toujours connue.

Gardons-nous donc bien de calculer les progrès de la raison humaine et des institutions sociales, sur ceux des mathématiques et de la physique. Quelques arts ont donné à l’homme des bras et des yeux de plus pour remuer les corps ou pour atteindre les extrémités du ciel ; mais ils n’ont point ajouté des ressorts à notre âme, ils n’ont point perfectionné l’instinct et découvert de nouveaux sentiments. On leur a fait un reproche contraire, qu’on n’a pas besoin d’admettre pour justifier les vérités précédentes. Il suffit de prouver que, dans tout ce qui ne concerne pas les sciences exactes, rien ne justifie l’orgueil de la sagesse moderne, quand elle se préfère à la sagesse de l’antiquité. Un jeune officier du génie disait un jour au fameux Vauban : « M. le Maréchal, César ne serait qu’un écolier s’il se trouvait devant les villes que vous avez fortifiées. » — « Taisez-vous, jeune homme, répondit Vauban : César dans quinze jours en saurait plus que nous, dès qu’il aurait connu nos armes. Nos mains sont un peu plus adroites que les siennes, grâce à des circonstances particulières, mais son intelligence était fort supérieure à la nôtre. » Ce mot de Vauban vaut mieux que toutes les discussions ; et je le livre aux réflexions du lecteur.

Au reste, madame de Staël, en combattant pour la théorie de la perfectibilité, se trouve elle-même obligée de convenir que l’homme a promptement connu ce