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DISCOURS

toutes les autres, et la raison elle-même, qui, ne pouvant la détruire, se détermine à lui obéir. Dieu, pour empêcher les funestes ravages de cette passion, fonde sur elle nos meilleurs penchants ; il tourne à notre avantage nos propres défauts : ces défauts forment nos premiers rapports avec nos semblables. Les hommes s’unisse ut, parce qu’ils sont faibles : les différents intérêts de chaque individu se confondent dans l’intérêt général ; ils changent avec l’âge, et nos plaisirs avec eux. Notre but seulement est toujours le même : ce but est le bonheur. L’orgueil et l’espérance nous suivent jusqu’à la mort, en appelant les plaisirs, en écartant les maux. Ainsi notre félicité nait de notre faiblesse ; ainsi la sagesse de Dieu se fait reconnaître jusque dans les folies de l’homme.

Cette épitre est d’un genre sévère ; elle n’a pas le même éclat que la précédente : on y trouve, je crois, plus de justesse et de profondeur. La poésie se cache dans ces expressions savantes heureusement alliées, qu’on doit à l’art aidé de la méditation, et que trouve quelquefois l’instinct subit du génie. Cette poésie, qui dérobe d’abord une moitié de ses richesses, et ne les découvre que par degrés, n’est pas celle qui charme le plus tous les esprits : elle a même quelque obscurité pour ceux qui n’ont pas l’habitude de penser et de franchir les idées intermédiaires ; mais elle fait les délices des lecteurs exercés ; et, toujours observée par le goût, elle lui donne toujours de nouveaux plaisirs. Il est peu de juges capables de pénétrer dans tous les mystères de ce style, qu’ont sur-