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ŒUVRES DE FONTANES.

lices, à l’imagination plus d’enchantements. Elle vante l’héroïsme des vieux âges, et même elle avoue l’utilité des institutions religieuses. Tous ses vœux redemandent ce culte de l’amour que nos ancêtres vouaient aux femmes, et qu’elles obtenaient par les vertus autant que par la beauté.

Eh quoi ! l’histoire et la réflexion ne lui ont-elles pas appris que cette exaltation dans les cœurs et les caractères n’appartient pas aux siècles du calcul et du raisonnement ? Quand tout désabuse, il est impossible de se passionner : quand tout est soumis à l’analyse philosophique, tout perd son charme en perdant son mystère ; et l’âme ne se plait que dans les sentiments mystérieux et infinis. Des amants, des héros comme Tancrède, pour qui madame de Staël montre tant de prédilection, ne se rencontrent qu’à cette époque où les chevaliers s’engageaient sur le même autel, et par le même serment, à servir Dieu et leur Dame. Ces deux noms, ces deux sentiments, confondus dans leurs cœurs, s’y gravaient éternellement. Si les Celtes, dont elle aime aussi les mœurs, honoraient les femmes, avilies chez tant d’autres nations, c’est que pour eux les femmes étaient des êtres en quelque sorte divins : c’est qu’ils étaient persuadés que, si la raison de l’homme vient de la vie et de la science, celle des femmes vient du ciel[1]. Quand on veut obtenir les mêmes effets, il faut donc rappeler les mêmes causes.

  1. Voyez les Mythologies des peuples du Nord, et les Mœurs des Celtes, par Pelloutier.