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ÉLOGE DE WASHINGTON.

presque achevée : ils faisaient des systèmes de mœurs plutôt que des systèmes de lois ; ils avaient même tant de respect pour la toute-puissance des habitudes qu’ils ménagèrent d’anciens préjugés peu compatibles en apparence avec un nouvel ordre de choses. La Grèce et Rome, en passant de l’empire des rois sous celui des archontes et des consuls, ne virent changer ni leurs différents cultes, ni le fond de leurs usages et de leurs mœurs. Les premiers chefs de ces républiques se persuadèrent, sans doute, qu’un mépris trop évident de l’autorité des siècles et des traditions affaiblirait la morale, en avilissant la vieillesse aux yeux de l’enfance. Ils craignirent de porter trop d’atteinte à la majesté des temps et à l’intèrêt des souvenirs[1].

Je ne m’écarte point de mon sujet, en rappelant la mémoire de ces fondateurs des anciennes républiques, auprès de qui la postérité placera Washington. Comme eux, il gouverna par les sentiments et par les affections, plutôt que par des ordres et des lois ; comme eux, il fut simple au faite des honneurs, comme eux, il resta grand au milieu de la retraite. Il n’avait accepté la puissance, que pour affermir la prospérité publique : il ne voulut pas qu’elle lui fût rendue, quand il vit que l’Amérique était heureuse et n’avait plus besoin de son dévouement. Il voulut jouir avec tranquillité, comme les autres citoyens, de ce bon-

  1. Fontanes avait prononcé ces mêmes paroles dans son discours pour la séance d’installation des Écoles centrales, quatre ans auparavant. Il jugea bon de les répéter ici, renouvelées, agrandies et précisées par la circonstance même.