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PRÉLIMINAIRE.

les poëtes doivent adopter, puisqu’elle agrandit l’imagination. Ce tableau se termine par une magnifique description de l’être intelligent, âme de cette nature aveugle dont il unit tous les anneaux.

Cette première épitre offre les plus grands objets : elle est remarquable par l’élévation des pensées, la rapidité des mouvements, l’éclat et la magnificence du style ; mais les raisonnements en paraissent quelquefois vagues et faux. Quand le poëte est pressé par des objections difficiles, il s’indigne contre l’orgueilleuse ignorance de l’homme, il couvre la faiblesse de ses réponses d’injures harmonieuses. On peut croire que Pope n’a point voulu d’abord effaroucher, par une marche d’idées trop précises et trop fortes, ceux qui ne voient dans un ouvrage en vers qu’un jeu plus ou moins agréable, et qui ont oublié que la poésie fut destinée, dans sa naissance, à retracer les vérités de la morale et les tableaux de la nature. Les ornements, semés en foule dans cette première partie de l’Essai sur l’Homme, attirent le lecteur vers la suivante, où des beautés plus graves demandent une attention plus recueillie.

L’homme, après avoir considéré ses rapports avec l’univers, doit rentrer en lui-même, et se connaître. Quels sont les principes qui le composent ? Il voit bientôt qu’il est un être mixte. Deux forces l’agitent en sens contraire : l’une s’appelle raison, et l’autre amour-propre. Les passions naissent de l’amour-propre ; leur combat est utile et nécessaire : il en est une toujours dominante dans notre cœur ; elle soumet