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ÉLOGE DE WASHINGTON.

toutes les négociations, l’héroïque simplicité du président des États-Unis traitait sans jactance et sans abaissement avec la majesté des rois. Ne cherchez point, dans son administration, ces pensées que le siècle appelle grandes, et qu’il n’aurait cru que téméraires. Ses conceptions furent plus sages que hardies : il n’entraîna point l’admiration ; mais il soutint toujours l’estime au même degré, dans les camps et dans le sénat, au milieu des affaires et dans la solitude.

Il est des hommes prodigieux, qui apparaissent, d’intervalle en intervalle, sur la scène du monde avec le caractère de la grandeur et de la domination. Une cause inconnue et supérieure les envoie, quand il en est temps, pour fonder le berceau ou pour réparer les ruines des empires. C’est en vain que ces hommes, désignés d’avance, se tiennent à l’écart ou se confondent dans la foule : la main de la fortune les soulève tout à coup, et les porte rapidement d’obstacle en obstacle, et de triomphe en triomphe. jusqu’au sommet de la puissance. Une sorte d’inspiration surnaturelle anime toutes leurs pensées : un mouvement irrésistible est donné à toutes leurs entreprises. La multitude les cherche encore au milieu d’elle, et ne les trouve plus ; elle lève les yeux en haut, et voit, dans une sphère éclatante de lumière et de gloire, celui qui ne semblait qu’un téméraire aux yeux de l’ignorance et de l’envie. Washington n’eut point ces traits fiers et imposants qui frappent tous les esprits : il montra plus d’ordre et