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ŒUVRES DE FONTANES.

conforme aux inspirations de son cœur, et le jour qui sauva une victime innocente doit être inscrit parmi les plus beaux de l’Amérique indépendante et victorieuse.

Les mouvements d’une âme magnanime, n’en doutons point, achèvent et maintiennent les révolutions plus sûrement que les trophées et les victoires. L’estime qu’obtint le caractère du général américain contribua plus que ses armes à l’indépendance de sa patrie.

Quand un État ébranlé change de forme avec violence, tous les États voisins jettent sur lui des yeux d’inquiétude et de crainte : ils ne se rassurent que lorsqu’il a repris des mouvements réguliers et constants. Un peuple en révolution n’a plus d’alliés et d’amis. Il réclame vainement les anciens traités ; tous ses vieux liens sont rompus avec les autres, comme avec lui-même : il est isolé au milieu du monde qu’il épouvante. On s’éloigne de lui comme des volcans. Il faut ordinairement qu’à la suite de ces grandes crises politiques, survienne un personnage extraordinaire, qui, par le seul ascendant de sa gloire, comprime l’audace de tous les partis, et ramène l’ordre au sein de la confusion. Il faut, si je l’ose dire, qu’il ressemble à ce dieu de la fable, à ce souverain des vents et des mers, qui, lorsqu’il élevait son front sur les flots, tenait en silence toutes les tempêtes soulevées. C’est alors que les gouvernements plus tranquilles se rapprochent de celui dont ils avaient d’abord redouté les convulsions et les atteintes.