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EXEMPLE DE WASHINGTON.

vaine ; ses récits m’ont convaincu que, pour affermir la république française, il ne lui manquait que des hommes tels que Washington. À la tête des armées comme à celle du sénat, dans sa vie publique comme dans sa vie privée, il a mérité l’admiration et l’amour de ses concitoyens. Son grand caractère a comprimé facilement toutes les factions, et l’Amérique en comptait presque autant que la France. Mais s’il avait fallu choisir entre les factions qui déchiraient sa patrie, ce n’est pas assurément celle des niveleurs, des égorgeurs, des jacobins d’Amérique, qu’il eût voulu favoriser. Il savait trop que, dans tous les siècles et dans tous les pays, il est encore plus dangereux d’avoir ces gens-là pour alliés que pour ennemis. Les principes de sa politique et de sa morale ne lui auraient jamais permis d’associer aux enseignes de la liberté celles des brigands et des assassins. « Voici à ce propos, me disait, l’autre jour, l’ami que j’ai cité en commençant, ce que pensait le héros du Nouveaux Monde.

« Quand le bruit de quelque complot royaliste se répandait en Amérique, j’observais attentivement Washington. Il ne se hâtait jamais d’y croire. Il était toujours tranquille comme la sagesse, et simple comme la vertu. La crainte exagère tout, disait-il, et la multitude aime à s’alarmer. Mais il est certaines erreurs qui ne doivent jamais arriver jusqu’à l’homme chargé des destinées d’un grand peuple. Au reste, les ennemis dont je me défie le plus, ne sont pas ceux dont le cœur reste attaché