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ŒUVRES DE FONTANES.

duite dans la révolution française, un jugement qui n’appartient qu’à la postérité. On doit au malheur des secours, avant de lui faire entendre des vérités sévères ; et d’ailleurs, comment une voix impartiale obtiendrait-elle en ce moment quelque crédit au milieu des défenseurs enthousiastes et des nombreux accusateurs de Lafayette ? Ceux qui ne croient ni à son héroïsme, ni à ses forfaits, seront difficilement écoutés par les passions qui le défendent ou le condamnent. Rien ne me parait le distinguer éminemment des principaux personnages qui ont commencé la révolution. Il contribua, comme les autres, à faire naître des événements plus grands que lui : il ne sut jamais les diriger, même pour son avantage ; et la raison en est simple. Il se laissa constamment gouverner par la multitude, au lieu de s’en rendre le maître ; il s’aperçut trop tard que le monstre déchaîné par lui et par ses collègues avait plus besoin de frein que d’aiguillon. Le poste difficile où il se trouvait placé, donnait à toutes ses actions je ne sais quoi d’équivoque, dont la haine de toutes les factions a pu profiter contre lui avec trop d’avantage. Il est possible que ses qualités l’eussent rendu très recommandable à tous les partis dans des temps paisibles et dans une autre situation ; mais il s’est jeté volontairement au milieu de circonstances extraordinaires avec lesquelles son caractère et ses talents n’avaient aucune proportion. Un jeune élève de Washington. qui avait acquis de la gloire en Amérique, doit trouver grâce, même aux yeux des monarques les plus