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SUR MIRABEAU.

travailla aux pamphlets contre l’ordre de Cincinnatus, et à quelques diatribes du même genre. Il est aisé de reconnaître ceux des écrits qu’a revus l’académicien bel-esprit : ils sont plus purs, et moins véhéments que tous les autres.

La réputation de Mirabeau était plus qu’équivoque à l’instant où se forma l’assemblée nationale, et son talent, du moins aux yeux des gens de lettres éclairés. n’était supérieur dans aucune partie.

Mais il était impossible qu’un homme tel que lui, doué d’une tête active et d’un caractère entreprenant, ne jouât pas un rôle principal dans les nouvelles destinées de la France. Il portait, au sein des États-généraux, des ressentiments naturels contre la caste qui l’avait proscrit, et un attachement intéressé pour celle qui l’avait adopté. Toutes les deux ont pu se plaindre également de l’avoir eu pour ennemi et pour défenseur. Son amitié fut aussi funeste que sa vengeance. Il se jeta au milieu de toutes les passions populaires ; il en précipita le mouvement pour se faire craindre, et fut lui-même entraîné par elles.

L’éloquence des peuples libres avait disparu depuis longtemps : nous n’avions de grands orateurs que dans la chaire. Mirabeau s’élança dans la tribune, et lui rendit quelques-uns de ces mouvements et de ces effets réservés aux siècles orageux de la liberté. Il eut quelquefois une dialectique vigoureuse et animée ; il manqua rarement aux grandes circonstances ; il sut parler aux hommes assemblés ; il discuta enfin les intérêts politiques, non avec la perfection, l’art et les