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SUR MIRABEAU.

et nous verrons après ; les disciples dédaignaient les alarmes de leur premier maître ; et l’événement a prouvé qu’ils jugeaient mieux que lui de la force de leurs moyens, et du développement de toutes les passions dont ils avaient fait les auxiliaires de leurs doctrines. C’est en partie à ces circonstances que Mirabeau dut l’audace de ses opinions, et cet esprit d’indépendance qui le rendait si propre à devenir un chef de faction dans un siècle corrompu.

Des vengeances domestiques qu’il avait peut-être méritées, mais qui furent trop longues et trop arbitraires, l’aigrirent encore, et lui donnèrent, aux yeux de la foule, quelque chose de cet intérêt qui s’attache aux opprimés : il mit surtout en œuvre ce dernier moyen, pour se montrer avec quelque avantagea la renommée.

Il avait composé de nombreux volumes avant la révolution, et n’était point placé au rang des bons écrivains. Son écrit sur les Lettres de Cachet avait seul fixé l’attention des bons juges. On trouve en effet, dans cet ouvrage, des vérités utiles énergiquement exprimées. Le style en est quelquefois dur, incorrect et déclamatoire ; mais il ne manque pas de vigueur, de mouvement et d’originalité.

Mirabeau était impatient d’attacher son nom à tous les événements, à toutes les questions qui occupaient un moment les esprits. Deux motifs très pressants l’y déterminaient, le besoin de vivre et l’amour de la célébrité. Une pauvreté noble a souvent donné plus d’énergie au talent et plus de développement à la