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DISCOURS

le célèbre Leibnitz, cet illustre partisan de l’optimisme. Il est vrai qu’en défendant cette opinion, il en exagéra tous les principes et toutes les conséquences. Les monades et l’harmonie préétablie contredisent totalement la liberté de l’homme et de Dieu.

Mais les principes de Leibnitz ne sont point ceux de Pope. Celui-ci n’a pris le germe de ses idées que dans Platon ; et même, comme il l’a dit souvent, il n’avait jamais lu les ouvrages du philosophe de Leipsick. Leibnitz fait de Dieu un être absolument passif, qui, dans le nombre des mondes possibles, ne peut choisir que le monde existant. Pope en fait un être libre, dont la sagesse ordonna l’homme pour l’univers, et l’univers pour l’homme ; il soutient que l’auteur du bien n’est point l’auteur du mal ; que les désordres particuliers disparaissent dans l’ordre universel, ou qu’ils naissent de la corruption de l’homme créé libre, qui dénatura l’ouvrage de son Dieu[1]. Cette doctrine s’accorde parfaitement avec le christianisme : quand elle n’aurait pas une exactitude aussi orthodoxe, il ne faudrait pas encore accuser le poëte ; il doit laisser aux docteurs de l’Église le soin de démontrer les vérités de la religion ; il n’est fait que pour les persuader et les embellir.

Je ne chercherai point à réfuter les objections contre l’optimisme : il faudrait ramener ces questions

  1. Cette dernière idée, très conforme au dogme de la chute de l’homme, se trouve dans la quatrième épître. Au reste, le docteur Warburton a si bien justifié la doctrine de Pope, que j’y renvoie mes lecteurs.