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ESSAI SUR L’HOMME.

l’Arcadie, eut des vertus égales à ses talents : il fut tué, en 1586, dans une petite action, qui se passa près de Zutphen, entre les Anglais et les Espagnols.

Ô toi ! dont l’amitié me fut trop tôt ravie,
Cher Digby, etc.


Je ne puis pas mieux faire connaître Digby qu’en rapportant l’épitaphe que Pope fit graver sur le tombeau de ce vertueux jeune homme : « Va, dit-il, bel exemple d’une jeunesse non corrompue, d’une habileté modeste, et d’une véracité pacifique ; aussi peu ému dans les souffrances que modéré dans la joie ; homme de bien sans éclat, et vraiment grand sans prétendre à l’être ; fidèle dans tes promesses, rempli de candeur ; toi, qui ne formais jamais de souhaits, que tu ne pusses les avouer ; qui joignais aux mœurs les plus douces un esprit exempt d’affectation ; ami de la paix et du genre humain, va ! vis à jamais ! etc. »

Je dois cette note à Silhouette.

Horace et Voltaire, qui ont tant mis de grâce et de noblesse dans la louange, n’ont pas mieux possédé que Pope cet art difficile. Le dernier y répand même plus de charme et d’intérêt ; il semble qu’il ait besoin d’épancher un sentiment quand il donne un éloge, et non pas de montrer son esprit ou d’acquitter un devoir.

Et par quelle faveur ce Ciel trop indulgent,
Propice aux vœux d’un fils, à ceux de l’indigent,
Ajoute-t-il des jours aux longs jours de ma mère ? etc.


C’est une des plus douces jouissances qu’un poëte puisse trouver dans son talent, que le plaisir de consacrer le nom des parents et des amis qui lui sont chers ; mais il faut imiter alors la simplicité touchante de Pope et d’Horace qui, dans une de ses plus belles épîtres, rappelle si heureusement le souvenir de son père.