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ESSAI SUR L’HOMME.

Pour un bonheur caché veut nous donner la foi.

 Ô Sagesse adorable ! elle ordonne, et je vois
L’homme, à l’aspect lointain du bonheur qu’il espère,
S’empresser d’être utile au bonheur de son frère.

 Ainsi donc l’amour-propre, ennoblissant sa fin.
Joint l’amour de Dieu même à l’amour du prochain.
Plus notre âme est sensible, et plus elle est heureuse.
Poursuis : ne retiens point sa pente généreuse.
Aime tes ennemis : force-les à t’aimer ;
Et, semblable à ce Dieu qui daigna te former,
Sur tout ce qui respire et sur tout ce qui pense
Étends de ton amour la vaste bienfaisance ;
Un amour infini peut seul remplir ton cœur :
L’extrême charité fait l’extrême bonheur.

 Dieu, qui dans son amour embrasse la nature.
Redescend du grand tout à chaque créature,
Tandis que, des objets dont il est entouré,
Notre cœur au grand tout remonte par degré.
Aux plus nobles vertus l’amour-propre est utile ;
C’est le caillou jeté sur un lac immobile ;
Il tombe, l’eau bouillonne, un cercle s’arrondit.
Croît et s’accroît encore, et toujours s’agrandit.
Dans des cercles d’amour ainsi l’âme féconde
Embrasse nos parents, la patrie et le monde.
Alors, fille des Cieux, l’aimable Charité
Fait d’Éden ici-bas refleurir la beauté ;