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PRÉLIMINAIRE.

plus parfait possible pour des êtres imparfaits. L’homme occupe dans l’univers la place qui lui convient. Loin de murmurer quand il souffre, il doit penser pour sa propre félicité, pour la gloire de son créateur, que tout est ce qu’il doit et ce qu’il peut être. Il faut donc se soumettre, et attendre en paix que la mort découvre et justifie tout le plan des lois éternelles. » Le sage qui, le premier, apporta une doctrine aussi consolante, naquit en Grèce, et mérita le nom de divin ; ce fut Platon : il n’en est pas sans doute l’inventeur[1] ; mais il se l’est appropriée, il l’a répandue, parce que son style était digne d’exprimer d’aussi grandes idées.

Je passe sous silence ses disciples plus ou moins fameux. Je franchis deux mille ans, et je rencontre un philosophe dont l’esprit étendu rassemblait toutes les connaissances, qui aurait régné sur vingt siècles, comme Platon, s’il en avait eu l’éloquence, et si lui-même, par ses efforts inutiles, n’avait décrédité pour jamais cette espèce de métaphysique qui veut expliquer les premières causes sans connaître les effets, veut redescendre, comme Dieu, de l’ensemble aux parties, au lieu de s’élever de faits en faits à quelques vérités particulières ; science funeste, qui, par ses séductions, a détourné plusieurs grands hommes des travaux utiles, et a privé le genre humain de plus d’un bienfait. Le philosophe dont je veux parler est

  1. On sait que Platon n’a fait souvent que copier les prêtres d’Égypte et les philosophes grecs qui l’avaient précédé.