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ŒUVRES DE FONTANES.

Des biens qu’elle reçoit, des biens qu’elle dispense,
Jouit également, et voit, sans s’émouvoir,
S’élever, d’un rival, ou tomber le pouvoir.
Toujours elle s’exerce, et jamais ne se lasse ;
Goûte mieux le succès, porte mieux la disgrâce ;
Sait être heureuse encor de ses tendres douleurs,
Et les ris des méchants sont moins doux que ses pleurs.
Que peut-il lui manquer ? Croitre est son espérance,
Et qui veut la vertu, la possède d’avance.

 Ô suprême bonheur ! tous peuvent l’embrasser ;
Il ne faut pour le voir que sentir et penser :
Le méchant, toutefois, pauvre en son opulence,
Aveugle en sa raison, stupide en sa science,
À ce bonheur si doux ne saurait parvenir.
L’homme juste, sans art, est sur de l’obtenir :
Des maîtres de l’École il rejette l’empire ;
Son livre est la nature, et c’est là qu’il admire
Ces rapports dont la chaîne unit la terre au Ciel ;
Tous les mondes en chœur lui nomment l’Éternel :
Il entend leur langage ; il voit que, sur la terre,
Nul ne saurait jouir d’un bonheur solitaire ;
Et, sans peine éclairé, son œil lit en tout lieu
Ce dogme inaltérable : Aime l’homme et ton Dieu !
L’espérance pour lui fait briller sa lumière,
Et, des jours éternels heureuse avant-courière,
Le conduit jusqu’au terme où, domptant le trépas,
Il doit voir dans les cieux ce qu’il croit ici-bas.
Tranquille, il sait pourquoi la juste Providence
Veut d’un bonheur connu nous donner l’espérance,