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ŒUVRES DE FONTANES.


 De ces biens trop vantés connais donc tout le vide ;
Ils passent comme une ombre, et pour eux l’homme avide
Risque souvent la vie, et perd toujours la paix :
Cherchant de faux plaisirs, il en fuit de plus vrais.
Si de ces biens encor tu regrettes l’absence,
Regarde à quels mortels le hasard les dispenses
Si tu veux d’un cordon briller enorgueilli,
Vois quel éclat il donne au chevalier Billy !
Si l’or, ce vil limon, séduit encor ton âme,
Jette un moment les yeux sur Gripus et sa femme !
Des sublimes talents ton cœur est-il épris ?
Vois Bacon de son siècle exciter les mépris ;
Bacon, ce demi-dieu, dont les savants oracles
De l’humaine pensée annonçaient les miracles !
Est-ce un nom qu’il te faut ? Vois celui de Cromwell
À l’immortalité condamné par le Ciel !
Ah ! pour mieux dédaigner tous ces vains avantages,
De l’éloquente histoire interroge les pages ;
Sa voix, de siècle en siècle, instruisant l’univers,
Des favoris du sort a conté les revers :
Même en possédant tout, ils se plaignent encore ;
D’un incurable ennui le poison les dévore ;
La paix est sur leur front, le trouble est dans leur cœur.

 Les courtisans ont dit : Quel excès de bonheur
D’être l’ami d’un roi, l’amant d’une princesse !
Eh ! bien, qu’arrive-t-il ? l’un trahit sa maîtresse,
L’autre trahit son roi. Voudrais-tu partager
De ceux qu’on nomme grands le bonheur mensonger ?
Vois sur quels fondements leur fortune est assise !