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ESSAI SUR L’HOMME.

S’applaudit, en chantant, ceint d’un noir tablier.
Le prêtre avec orgueil d’un surplis s’environne ;
Le moine aime son froc, et le roi sa couronne.
La couronne et le froc ! quel destin différent !
Dit le peuple insensé. Mais, déchu de son rang,
Si le prince au repos comme un moine se livre,
Comme un vil artisan si le prêtre s’enivre,
Le vice les égale : eh ! mon ami, dois-tu
Honorer mon habit au lieu de ma vertu ?

 Les caprices d’un prince ou ceux de sa maîtresse
Ont pu d’un vain cordon décorer ta bassesse.
Depuis mille ans entiers, ton sang, si je te crois,
De Lucrèce en Lucrèce a passé jusqu’à toi :
Pour tirer de ton nom un éclat légitime,
Cite au moins des aïeux dignes de mon estime.
Mais, si ton sang fameux coule en des cœurs pervers,
Fût-ce depuis Arthur, Charlemagne et ses pairs,
Hâte-toi de prouver que ta race est nouvelle !
Cache de tes aïeux la honte solennelle !
Un faquin à l’honneur a-t-il droit d’aspirer ?
Tout le sang des Howards ne saurait l’illustrer.

 Où trouver la grandeur ? L’opinion antique
La donne au conquérant, à l’heureux politique.
Du fou de Macédoine à ce fou suédois,
Tout héros se ressemble, et quels sont leurs exploits ?
Nos malheurs ont formé leur gloire meurtrière ;
Ils courent sans jamais regarder en arrière,
Et sans voir le trépas qui court au-devant d’eux.