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ŒUVRES DE FONTANES.

Faut-il que, s’épurant pour le juste Béthel,
L’air, chargé de poisons, cesse d’être mortel ?
Qu’un roc demi-pendant qui menace ta tête,
Raffermi tout à coup, dans sa chute s’arrête ?
Ou qu’un temple vieilli, tout prêt à s’écrouler,
Attende, en succombant, Charters pour l’accabler ?

 Ce monde te révolte, aux méchants trop propice.
D’un monde imaginaire élevons l’édifice.
Des justes, j’en conviens, doivent seuls le fonder ;
Mais ces justes d’abord pourront-ils s’accorder ?
Tous ont des droits sans doute aux bienfaits de leur maître
Mais les cœurs sont cachés, Dieu seul peut les connaître.
Là prophète menteur, là prophète sacré,
Calvin, cher à Genève, est dans Rome abhorré.
Le culte où je naquis te paraît un scandale ;
Ta farouche vertu de la mienne est rivale :
Non, un même intérêt ne peut nous réunir ;
Ce qui te rend heureux va souvent me punir.
Tout est bien : de César ce monde est le partage ;
Mais de Titus aussi n’est-il pas l’héritage ?
César égale-t-il, par ses brillants forfaits,
Titus qui pleure un jour écoulé sans bienfaits ?

 La probité n’a rien, le vice a l’abondance ;
Mais l’argent des vertus est-il la récompense ?
Le méchant qui travaille a droit de l’acquérir ;
Il peut de ses moissons justement se nourrir :
Il a droit aux trésors de l’Inde et de Golconde,
Quand sa barque a tenté ces abimes de l’onde