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DISCOURS

propres au genre humain. Les premières peuvent céder quelquefois à la raison : les autres, nées avec la société, ne finiront qu’avec elle ; inhérentes à notre nature, toujours les mêmes en changeant de forme. elles se transmettent de race en race, et ne peuvent s’anéantir, parce qu’il est impossible que l’empire de la raison devienne universel : si elles sont chassées d’un pays qui s’éclaire, elles se retirent dans ceux où la lumière n’a point encore pénétré ; elles se cachent au-delà des mers, dans les montagnes, près des volcans ; et là, elles attendent le moment des grandes calamités, pour reparaître et régner avec plus de force sur les imaginations effrayées.

Telle est l’erreur des deux principes, qui fut celle des esprits les plus grossiers et les plus sublimes. Il n’appartenait qu’au législateur des Juifs d’expliquer l’origine du mal. Toutes les religions, hormis la sienne, défigurèrent ses traditions sacrées ; toutes débitèrent les mêmes fables. Partout l’homme est déchu d’un état de gloire ; partout des dieux rivaux le protègent et le tourmentent ; mais, comme le sentiment de l’effroi est plus fort que celui de l’amour, l’homme devient partout malheureux, féroce et pusillanime.

Au milieu de ces superstitions, non moins décourageantes pour l’humanité qu’injurieuses pour l’Être suprême, il est beau de voir s’élever un sage qui défend la Providence, et dit à l’univers : « Il n’existe qu’une seule cause souverainement bonne, souverainement intelligente : elle a créé le monde le