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M. DE FONTANES

rappelez-vous toujours qu’en ses heures de miracle, entre Iéna et Wagram, c’est ainsi que le sabre a parlé[1].

M. de Fontanes, en vue des générations survenantes, ten-

  1. Contradiction et illusion ! En même temps qu’il proclamait cette victoire définitive de l’esprit, Napoléon méconnaissait l’esprit dans sa propre essence, et il croyait que, pour le produire, il suffit de le commander. Je trouve dans les papiers de Fontanes la note suivante, dictée par l’Empereur à Bordeaux, le 12 avril 1808, et adressée au ministre de l’intérieur. M. Halma, bibliothécaire de l’Impératrice, avait demandé, par une note à l’Empereur, d’être nommé le continuateur de Velly, Villaret et Garnier ; il s’était proposé, en outre, pour continuer l’Abrégé chronologique du président Hénault. L’Empereur avait renvoyé cette proposition au ministre de l’intérieur. M. Cretet avait répondu que la demande de M. Halma ne pouvait être accueillie, par la raison que ce n’était pas au gouvernement à intervenir dans une semblable entreprise ; qu’il fallait la laisser à la disposition des gens de lettres, et qu’il convenait de réserver les encouragements pour des objets d’un plus vaste intérêt. Informé de cette réponse, l’Empereur prend feu, et dicte la note secrète que voici :

    « Je n’approuve pas les principes énoncés dans la note du ministre de l’intérieur. Ils étaient vrais il y a vingt ans, ils le seront dans soixante ; mais ils ne le sont pas aujourd’hui. Velly est le seul auteur un peu détaillé qui ait écrit sur l’histoire de France ; l’Abrégé chronologique du président Hénault est un bon livre classique : il est très utile de les continuer l’un et l’autre. Velly finit à Henri IV, et les autres historiens ne vont pas au-delà de Louis XIV. Il est de la plus grande importance de s’assurer de l’esprit dans lequel écriront les continuateurs. La jeunesse ne peut bien juger les faits que d’après la manière dont ils lui seront présentes. La tromper en lui retraçant des souvenirs, c’est lui préparer des erreurs pour l’avenir. J’ai chargé le ministre de la police de veiller à la continuation de Millot, et je désire que les deux ministres se concertent pour faire continuer Velly et le président Hénault. Il faut que ce travail soit confié non-seulement à des auteurs d’un vrai talent, mais encore a des hommes attaches, qui présentent les faits sous leur véritable point de vue, et qui préparent une instruction saine, en prenant ces historiens au moment où ils s’arrêtent et en conduisant l’histoire jusqu’en l’an VIII

    « Je suis bien loin de compter la dépense pour quelque chose. Il est même dans mon intention que le ministre fasse comprendre qu’il n’est aucun travail qui puisse mériter davantage ma protection.

    « Il faut faire sentir à chaque ligne l’influence de la cour de Rome, des