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M. DE FONTANES

y trouvent la mort ! » Fontanes répondit à Fourcroy : dans son discours, il n’est question d’un bout à l’autre que du Code civil qu’on venait d’achever, et de l’influence des bonnes lois : « C’est par là, disait-il (et chaque mot, à ce moment, chaque inflexion de voix portait), c’est par là que se recommande encore la mémoire de Justinien, quoiqu’il ait mérité de graves reproches. » Et encore : « L’épreuve de l’expérience va commencer : qu’ils (les législateurs du Code civil) ne craignent rien pour leur gloire : tout ce qu’ils ont fait de juste et de raisonnable demeurera éternellement ; car la raison et la justice sont deux puissances indestructibles qui survivront à toutes les autres[1] » Il y a plus : le lendemain (4 germinal), Foutanes, à la tête de la députation du Corps législatif, porta la parole devant le Consul, à qui l’assemblée, en se séparant, venait de décerner une statue, comme à l’auteur du Code civil (singulière et sanglante coïncidence) ; il disait : « Citoyen premier Consul, un empire immense repose depuis quatre ans sous l’abri de votre puissante administration. La sage uniformité de vos lois en va réunir de plus en plus tous les habitants. » Le discours parut dans le Moniteur, et, au lieu de la sage uniformité de vos lois, on y lisait de vos mesures. Qu’on n’oublie toujours pas le duc d’Enghien fusillé quatre jours auparavant : le Consul espérait, par cette fraude, confisquer à la mesure l’approbation du Corps législatif et de son principal organe. Fontanes, indigné, courut au Moniteur, et exigea un erratum qui fut inséré le 6 germinal, et qu’on y peut lire imprimé en aussi petit texte que possible. Cela fait, il se crut perdu ; de même qu’il avait de ces premiers mouvements qui sont de l’honnête homme avant tout, il avait de ces crises

  1. À la façon dont les auteurs de l’Histoire parlementaire de la Révolution Française parlent de ce discours (tom. XXXIX, pag. 59), on voit qu’au sortir des couleurs fortes et tranchées des époques antérieures, ils n’ont pas pris la peine d’entrer dans les nuances, ni de les vouloir distinguer.