Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxv
M. DE FONTANES

M. de Fontanes, et, d’après les renseignements les plus précis, les plus divers et les mieux comparés, nous tâcherons de faire ressortir, à travers les vicissitudes, l’esprit d’une conduite toujours honorable, de marquer, sous l’adresse du langage, les intentions d’un cœur toujours généreux et bon.

M. de Fontanes fut président du Corps législatif depuis le commencement de 1804 jusqu’au commencement de 1810 : en tout, six fois porté par ses collègues, six fois nommé par Napoléon ; mais, comme tel, il cessa de plaire dès 1808, et son changement fut décidé. Déjà, tout au début, la mort du duc d’Enghien avait amené une première et violente crise. Le 21 mars 1804, de grand matin, Bonaparte le fit appeler, et, le mettant sur le chapitre du duc d’Enghien, lui apprit brusquement l’événement de la nuit. Fontanes ne contint pas son effroi, son indignation. « Il s’agit bien de cela, lui dit le Consul : Fourcroy va clore après-demain le Corps législatif ; dans son discours, il parlera, comme il doit, du complot réprimé ; il faut, vous, que, dans le votre, vous y répondiez ; il le faut » — « Jamais ! » s’écria Fontanes, et il ajouta que, bien loin de répondre par un mot d’adhésion, il saurait marquer par une nuance expresse, au moins de silence, son improbation d’un tel acte. À cette menace, la colère faillit renverser Bonaparte ; ses veines se gonflaient, il suffoquait : ce sont les termes de Fontanes, racontant le jour même la scène du matin à M. Molé, de la bienveillance de qui nous tenons le détail dans toute sa précision[1]. En effet, deux jours après (3 germinal), Fourcroy, orateur du gouvernement, alla clore la session du Corps législatif) et, dans un incroyable discours, il parla des membres de cette famille dénaturée « qui auraient voulu noyer la France dans son sang pour pouvoir régner sur elle ; mais, s’ils osaient souiller de leur présence notre sol, s’écriait l’orateur, la volonté du Peuple français est qu’ils

  1. Ceci confirme et complète sur un point l’essentielle notice de M. Roger, qui nous complète nous-même sur beaucoup d’autres points.