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M. DE FONTANES

considération de son vivant, ne saurait servir également sa gloire.

J’irais plus haut peut-être au temple de Mémoire,
Si dans un genre seul j’avais usé mes jours,


a dit La Fontaine, lequel pourtant n’était ni recteur ni président d’aucun conseil sous Louis XIV.

Un avantage demeure, et il est grand ; le caractère historique remplace à distance l’intérêt littéraire pâlissant. Il n’est pas indifférent, devant la postérité, d’avoir figuré au premier rang dans le cortège impérial, et d’y avoir compté par sa parole. Ces discours, présentés dans de sobres échantillons, suffisent à marquer l’époque qu’ils ornèrent, et où ils parurent d’accomplis témoignages de contenance toujours digne, de flatterie toujours décente, et de réserve parfois hardie. M. de Fontanes n’avait nullement partagé les idées de la fin du xviiie siècle sur la perfectibilité indéfinie de l’humanité, et la révolution l’avait plus que jamais convaincu de la décadence des choses, du moins en France. Il l’a dit dans une belle ode :

Hélas ! plus de bonheur eût suivi l’ignorance !
Le monde a payé cher la douteuse espérance
  D’un meilleur avenir ;
Tel mourut Pélias, étouffé par tendresse
Dans les vapeurs du bain dont la magique ivresse
  Le devait rajeunir.


Après le bain de sang, après les triumvirs et leurs proscriptions, que faire ? qu’espérer ? Le siècle d’Auguste eût été l’idéal ; mais, pour la gloire des lettres, ce siècle d’Auguste, en France, était déjà passé avec celui de Louis XIV. Ainsi désormais, c’était, au mieux, un siècle d’Auguste sans la gloire des lettres ; c’était un siècle des Antonins, qui devenait le meilleur espoir et la plus haute attente de Fontanes. Son