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M. DE FONTANES

forte partie ! Voici deux hommes, le jeune homme (c’était Fontanes) est mon élève, c’est moi qui l’ai annoncé. » Et il ajoutait que Fontanes finissait l’antique école, et que Châteaubriand en commençait une nouvelle. Il était même de l’avis de celui-ci contre Fontanes en faveur du merveilleux chrétien réprouvé par Boileau. Il passait, sans marchander, sur les hardiesses, sur les incorrections premières : « Bah ! Bah ! ces gens-là ne voient pas que cela tient à la nature même de votre talent. Oh ! laissez-moi faire, je les ferai crier, je serre dur ! » La passion enlevait ainsi le vieux critique au-dessus de ses propres théories ; sa personnalité pourtant, son moi revenait à travers tout, et perçait dans sa trompette. Il s’échauffa si fort à son monologue, qu’il tomba à la fin en une espèce d’étourdissement.

Outre les articles de critique active, Fontanes donna au Mercure[1]un morceau sur Thomas, dans lequel l’élégance la plus parfaite exprime les plus incontestables jugements. Il n’y a rien de mieux en cette manière ; c’est du La Harpe fini et perfectionné, et plus que cela ; pour une certaine rapidité de goût, c’est du Voltaire. Ainsi, voulant dire de Thomas qu’il savait rarement saisir dans un sujet les points de vue les plus simples et les plus féconds, le critique ajoute : « Il pensait en détail, si l’on peut parler ainsi, et ne s’élevait point assez haut pour trouver ces idées premières qui font penser toutes les autres. »

Mais Fontanes n’était déjà plus un homme privé. Quelque temps employé sous Lucien au ministère de l’intérieur, puis nommé député au Corps législatif, il fut bientôt désigné par les suffrages de ses collègues au choix du Consul pour la présidence. Poëte d’avant 89, critique de 1800, il va devenir orateur impérial. La même distinction le suit partout : son nom y gagne et s’étend. Toutefois ces palmes entrecroisées se supplantent un peu et se nuisent. Ce qui augmenta sa

  1. Germinal an X.