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DE M. DE CHATEAUBRIAND.

père : elles ne sont point destinées à voir le jour. La veuve de M. Joubert semble pénétrée du sentiment que j’exprimais en parlant de lui dans mon Essai sur la Littérature anglaise : « Un homme fut mon ami et l’ami de M. de Fontanes. Je ne sais si, au fond de sa tombe, il me saura gré de révéler la noble et pure existence qu’il a cachée. Quelques articles, qu’il ne signait pas, ont seulement paru dans diverses feuilles publiques. Qu’il soit permis à l’amitié de citer de courts fragments de ces articles : c’est le seul vestige des pas qu’un talent solitaire et ignoré a laissés en traversant la vie. »

Je rencontre à chaque instant, dans les ébauches de M. Joubert, des choses adressées à M. de Fontanes et que celui-ci n’a point connues. Ces confidences d’un ami à un ami, l’un et l’autre absents pour jamais ; ces pensées testamentaires, recueillies par un troisième ami sur des morceaux de papier destinés à périr, m’offrent une complication de tristesses d’une puissance extraordinaire : l’antiquaire déchiffre avec moins de religion les manuscrits d’Herculanum, que je n’étudie les secrets d’une double amitié conservés sous des cendres[1].

Tels sont mes travaux, Madame ; j’écoute derrière moi mes souvenirs, comme les bruissements de la vague sur une grève lointaine. En me promenant quelquefois dans les bois, ces vers du Jour des Morts me reviennent en mémoires :

D’un ami qui n’est plus la voix longtemps chérie
Me semble murmurer dans la feuille flétrie.

Mais hélas ! j’ai tant de regrets que je ne sais auquel en

  1. Les Pensées de M. Joubert sont aujourd’hui recueillies et publiées.