pourtant que ce Verger qui parut en 1788, fort court et un peu pressé entre notes et préface, était encore une protestation indirecte contre la manie du jour, un sous-amendement respectueux au poëme des Jardins. Fontanes se sauvait dans le verger pour faire de là opposition, pour jeter en quelque sorte son caillou de derrière les saules. Il s’élevait fort contre ces colifichets soi-disant champêtres, contre cette : négligence acquise à grands frais,
Où la simplicité n’est qu’un luxe de plus.
Ermenonville, avec son Temple de la Philosophie et sa Tour de Gabrielle, ne trouvait pas grince absolument devant son
goût sans fadaise. L’ouvrage d’un Allemand, Hirschfeld, sur
les jardins et les paysages, lui fournissait surtout matière à
gaieté. Le professeur d’esthétique avait conseillé au bout du
verger un étang, d’où monterait en chœur le cri des grenouilles,
effectivement si harmonieux de loin le soir, dans la tranquillité
des airs. Mais cette harmonie qui sentait trop Aristophane,
et que Jean-Baptiste Rousseau n’avait pas réhabilitée,
ne revenait guère à Fontanes, non plus que l’étang bourbeux.
Il prenait de là occasion pour se jeter sur le germanisme en
littérature, et il en prévoyait dès lors, il en combattait les
du monde, soit l’absence d’origine, l’éternité, soit la création du sein du chaos, dit avec une précision qui certes a aussi sa beauté :
Seu permixta cahos rerum primordia quondam
Discrevit partu, mundumque cuixa nitentem
Fugit in infernas caligo pulsa tenebras.
En feuilletant ces livres de Manilius, où les noms des constellations amènent d’intéressants épisodes, comme celui d’Andromède, et où les rêveries astrologiques n’étouffent pas tant de beaux passages inspirés par le panthéisme, par l’idée de la parenté de l’homme avec le ciel et par la conscience sublime des hauts mystères, on conçoit un grand poème dont, en effet, celui de Fontanes ne serait que l’essai.