Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/553

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
426
VARIANTES.

Déjà du goût anglais les nombreux partisans
M’opposent les beautés du simple Ermenonville.


« Avant d’exposer, disait M. de Fontanes, les défauts qu’on croit apercevoir dans le parc d’Ermenonville, il faut placer quelques réflexions préliminaires, qui motiveront les critiques : elles seront peut-être un peu longues. Mais, en réfutant des sophismes entassés dans vingt volumes, il n’a pas été possible d’être plus court.

« Tous les livres modernes sur les jardins affectent un assez grand mépris pour ceux du siècle dernier. Il semble que, dans l’époque la plus mémorable de la monarchie, personne en France ne connut ni n’aima la nature. C’est pourtant le siècle du Poussin, de Racine, de Fénelon et de La Fontaine. Quelle est la raison de ce mépris ? c’est qu’on soumettait les jardins à des plans réguliers. Mais la régularité n’est-elle pas nécessaire à toutes les créations des arts ? Sans doute ceux qu’on réfute, par une suite de leurs principes, renverseront bientôt notre théâtre, pour y substituer celui de Shakespeare. Ce jour-là même est prédit et attendu. Malgré l’estime qu’inspirent la personne et plusieurs ouvrages de l’écrivain qui désire le plus cette révolution, disons hautement qu’il serait bien funeste pour nous de soumettre nos mœurs et nos goûts à ceux d’un peuple rival. Nous n’avons que trop suivi déjà cette dangereuse et ridicule manie, dont l’influence s’étend de jour en jour sur les objets les plus essentiels. Revenons vite à des discussions sur les arts ; le reste y semblerait trop étranger, quoique tout se tienne plus qu’on ne croit dans les gouvernements.

« On nous dit qu’il faut imiter le désordre varié de la nature, et rassembler dans un jardin les tableaux dispersés dans une vaste campagne. Cela serait vrai peut-être si vous pouviez égaler la nature elle-même. Mais ne voyez-vous pas que vos parcs, dans le genre irrégulier, seront toujours inférieurs aux paysages rustiques qui existent de tous votés sans vos savantes théories ? À quoi bon m’offrez-