L’union de la terre et des cieux,
Tout enflamme, agrandit, émeut l’homme sensible ;
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Où, sur des harpes d’or, l’immoral séraphin
Aux pieds de Jéhovah chante l’hymne sans fin.
C’est alors que sans peine un Dieu se fait entendre :
Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre ;
Il doit moins se prouver qu’il ne doit se sentir.
Il y avait longtemps à cette date que la poésie française n’avait
modulé de tels soupirs religieux. Jusqu’à Racine, je ne
vois guère, en remontant, que ce grand élan de Lusignan dans
Zaïre. M. de Fontanes essayait, avec discrétion et nouveauté,
dans la poésie, de faire écho aux accents épurés de Bernardin
de Saint-Pierre, ou à ceux de Jean-Jacques aux rares moments
où Jean-Jacques s’humilie. Son grand tort est de s’être distrait
sitôt, d’avoir récidivé si peu.
Dans le Jour des Morts, il s’était souvenu de Gray et de son Cimetière de campagne ; il se rapproche encore du mélancolique Anglais par un Chant du Barde[1] ; tous deux rêveurs, tous deux délicats et sobres, leurs noms aisément s’entrelaceraient sous une même couronne. Gray pourtant, dans sa veine non moins avare, a quelque chose de plus curieusement brillant, et de plus hardi, je le crois. Les deux ou trois perles qu’on a de lui luisent davantage. Celles de Fontanes, plus radoucies d’aspect, ne sont peut-être pas de qualité moins
- ↑ Almanach des Muses, 1783. — Fontanes, dans son voyage à Londres d’octobre 1785 à janvier 1786, vit beaucoup le poëte Mason, ami et biographe de Gray. Les filles d’un ministre, chez qui il logeait, lui chantaient d’anciens airs écossais : « Il est très vrai, écrit-il dans une lettre de Londres à son ami Joubert, que plusieurs hymnes d’Ossian ont encore gardé leurs premiers airs. On m’a répété son apostrophe à la lune. La musique ne ressemble à rien de ce que j’ai entendu. Je ne doute pas qu’on ne la trouvât très monotone à Paris : je la trouve, moi, pleine de charme. C’est un son lent et doux, qui semble venir du rivage éloigné de la mer et se prolonger parmi des tombeaux. »