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VARIANTES.

La Chartreuse de Paris (page 26), telle qu’on la publie d’après le Génie du Christianisme, ne ressemble presque plus à la première Chartreuse, donnée par l’Almanach des Muses de 1783, et il convient tout à fait d’oublier celle-ci. Mais en 1817, songeant une édition de ses œuvres, l’auteur retouche encore cette Chartreuse devenue si parfaite. La version de 1817 commence ainsi.

Sur les Alpes, jadis, en d’arides déserts.
Conduit par sept flambeaux qu’il crut voir dans la airs,
Bruno, voulant à Dieu se donner sans partage,
Construisit de ses mains un célèbre ermitage ;
Et l’air d’un siècle impur n’atteignit point ces lieux
Où la Religion se cachait prés des Cieux.
La sombre Pénitence, assise entre ces roches,
Redouble en vain l’effroi qui défend leurs approches ;
Le zèle brave tout, et ces âpres sommets
Où la voix des mortels ne s’entendit jamais,
Ont des chants de Sion répété l’harmonie.
Bientôt, en s’étendant, la sainte colonie
Fertilise les monts, les landes, les forêts.
Couvre d’épis nombreux la fange des marais,
Vient aux mœurs des cités opposer son exemple,
Et jusques dans Paris Bruno même eut un temple.
Là, comme en un désert ses disciples cachés
Renferment tous leurs vœux sur le Ciel attachés.
Les murs d’un vaste enclos dominent leur demeure ;
Le silence à l’entour fait sa garde à toute heure,
En écarte la foule, et loin de tous les yeux
Semble inviter les pas du rêveur studieux.
On y trouve la paix, du loisir, du mystère :
Tout m’appelle aujourd’hui vers ce lieu solitaire,
Où venait Catinat méditer quelquefois,
Heureux de fuir la cour et d’oublier les rois.