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ŒUVRES DE FONTANES.

« Répond l’Aigle aussitôt, je serai ton ami. »
Le Rossignol flatté déjà cède à demi :
Mais un motif l’arrête et modère son zèle :
« Sire, puis-je quitter ma compagne fidèle,
 « La forêt, mon premier berceau,
« Où je chante l’amour dans la saison nouvelle,
« Mes petits encor nus, mon nid et mon rameau ? »
 — « Non, reprit l’oiseau magnanime,
« Ta famille avec toi se rendra dans ma cour ;
 « Ton désir est trop légitime ;
« Je sais qu’un Rossignol a besoin de l’amour. »
Il dit, et tout à coup porte sur la montagne
Le chantre et ses petits et sa douce compagne.
Le Rossignol partit, non sans quelque regret,
Et d’un œil attendri voit s’enfuir la forêt ;
Il habite avec l’Aigle, et, caché sous ses ailes.
Brave ses ennemis, les besoins, le malheur.
 Et par des chansons immortelles,
Récompense, à son tour, son puissant protecteur.
 Il conte à la forêt charmée
La générosité du monarque des airs.
Quand de l’Aigle en fureur la prunelle enflammée
 Menace sa cour alarmée,
 Le charme des plus doux concerts
 Retient sa serre désarmée.
Et de son œil terrible adoucit les éclairs.
 L’Aigle enfin, grâce à Philomèle,
Toujours content de lui, ne s’ennuya jamais,
 Obtint une gloire immortelle,
 Et fut béni de ses sujets.