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POÉSIES DIVERSES.

 L’Indifférence aux yeux distraits
 Pose leur pierre sépulcrale.

Ainsi, trainant le poids de quatre-vingts hivers,
Triste, et privé du jour, et seul dans l’univers,
J’ai vu tous mes amis dans la tombe descendre ;
Mon père avec mon fils est monté dans les airs ;
Je n’ai d’autre bonheur que d’embrasser leur cendre.
Est-ce là ce palais que charmaient nos concerts,
Ces lieux où tant de rois s’empressaient de se rendre,
Que l’hospitalité tenait toujours ouverts ?
Sur les tours de Selma quel deuil vint se répandre !
Leur vieux barde est aveugle et chargé de revers,
Et le chant triomphal ne s’y fait plus entendre.
J’écoute : le vent seul, parcourant ce foyer
Où Fingal des combats suspendait la dépouille,
 Siffle autour de son bouclier
 À demi rongé par la rouille.
Tu n’es plus, ô Fingal ! l’effroi de l’oppresseur !
De ta tombe en trois pas je mesure l’enceinte :
Quatre pierres, de loin, la montrent au chasseur ;
L’herbe à l’entour s’élève, et dans son épaisseur
 Le daim léger s’endort sans crainte.
Cependant tu montas vers l’empire azuré ;
Tes aïeux t’ont reçu dans leur séjour sacré.
Chasseur infatigable, au milieu des nuages.
Des cerfs, des sangliers tu poursuis les images :
Tes mœurs n’ont point changé ; mais cet arc si puissant,
Dont le vain simulacre en tes mains reste encore,
 Ressemble au nocturne croissant