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M. DE FONTANES

à quelques-uns de ses imitateurs, à je ne sais quoi d’énorme aux environs de Boucher ou de Dorat. À la distance où nous sommes, au degré d’hérésie où nous ont poussés le temps et l’usage, cela fuit.

Fontanes se tenait sans effort dans les mêmes principes que La Harpe : en traduisant Pope, le sage Pope, il ne l’approuvait pas toujours. Il blâme, dès les premiers vers de son auteur, ces métaphores redoublées, selon lesquelles l’homme est tour à tour un labyrinthe, un jardin, un champ, un désert, et n’y voit que manque de goût, de précision et de clarté. Quand il rencontre ce vers tout pétillant :

In folly’s cup still laughs the bubble, joy,


la joie, cette bulle d’eau, rit dans la coupe de la folie, il le supprime. Il est bien plus que l’abbé Delille de l’école directe de Boileau et de Racine.

Il est mieux que de l’école, il est du sentiment tendre et de inspiration émue de ce dernier dans la Chartreuse et dans le Jour des Morts. Racine jeune, Racine déjà revenu d’Uzès et à la veille d’Andromaque, Racine né au xviiie siècle, ayant beaucoup lu, au lieu de Théagène et Chariclée, l’Épître de Colardeau, et se promenant, non pas à Port-Royal, mais au Luxembourg, aurait pu écrire la Chartreuse.

La manière littéraire a beau changer ; les formes du style ont beau se renouveler, se vouloir rajeunir, et, même en n’y réussissant pas toujours, faire pâlir du moins la couleur des styles précédents ; les idées, sinon la pratique, eu matière de goût et d’art sévère, ont beau s’élever, s’affermir, s’agrandir, je le crois, par une comparaison plus studieuse et plus étendue : il est des impressions heureuses, faciles, touchantes. qui, dans de courtes productions, firent leur principal intérêt du cœur, et qui durent sous un crayon un peu effacé. La lecture de la Chartreuse, si l’on a l’imagination sensible, et si l’on n’a pas l’esprit barré par un système, cette lecture mélodieuse