ÉPITRE À M. DUCIS
sur les mœurs nécessaires au poète[1].
Tu n’as point de Sophocle affaibli le pinceau !
Cet auguste vieillard qui réclame un tombeau,
Et, par des fils ingrats exilé de son trône,
N’a plus d’autre soutien que le bras d’Antigone,
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Cette épitre, dans la version corrigée que nous donnons ici, est devenue assez différente de ce qu’elle était d’abord, lorsque Fontanes, dans toute la ferveur de la jeunesse, l’adressa à Ducis, au sortir d’Œdipe chez Adméte, le 15 février 1779. On y lisait des vers comme ceux-ci :
Paris serait-il donc le séjour d’un poëte ?
Paris où, tous les jours affligeant tes regards,
Des scandales nouveaux déshonorent les arts ?
Contemple ces Germains aujourd’hui nos modèles,
De la simple nature interprètes fidèles,
Qu’égale parmi nous le grand peintre des Mois :
Ils habitent en paix la campagne et les bois.
En extase égaré sur les Alpes antiques,
Haller y célébrait les vertus helvétiques,
Ou de sa Marianne, en des moments de deuil,
D’un chant mélancolique honorait le cercueil…Si l’on joint à cette tirade enthousiaste l’envoi de la pièce suivante à Le Tourneur, on saisira d’un coup d’œil les plus grands écarts littéraires de la jeunesse de Fontanes : ils furent courts. Son germanisme, qui s’oubliait un moment jusqu’à Haller, n’alla jamais jusqu’à Goëthe. Quand il fit son voyage d’Angleterre, à la fin de 1785, il était déjà complètement revenu, et il écrivait à son ami Joubert, qui persistait dans certaines admirations