« Arrête, arrête enfin la plainte illégitime !
« La mort, quand tu naquis, te marqua pour victime ;
« Tu connais ton destin ; je viens redemander
« Les jours que pour un temps je voulus t’accorder.
« Ne me reproche point l’injustice et la haine.
« Un contrat éternel tous les deux nous enchaîne.
« Je dois te concevoir, t’animer, te nourrir ;
« Mais chaque homme à son tour me promet de mourir
« L’heure vient : de tes ans la course est accomplie :
« C’en est fait ! je m’arrête et ma tâche est remplie.
« Tous les jours, pour servir tes caprices nouveaux,
« De mes riches saisons variant les travaux,
« J’épuisais les tributs que m’apporte l’année ;
« Tous les jours ta mollesse, à se plaindre obstinée,
« Demandait à la fois, dans ses vœux inconstants,
« Les trésors de l’automne, et l’espoir du printemps.
« D’abord de l’hyménée achevant le mystère,
« Je daignai te former dans le sein de ta mère.
« Faible et nu, tu naquis assiégé de besoins.
« Au milieu des périls protégé par mes soins,
« Tu vécus : de tes pas j’affermis la faiblesse ;
« De l’essaim des plaisirs j’entourai ta jeunesse ;
« Tu pensas, tu reçus, tu rendis tour à tour,
« Les soins de l’amitié, les plaisirs de l’amour.
« L’amour, jusqu’à la mort, t’a suivi dès l’enfance :
« Tes parents transportés ont béni ta naissance,
« Et tes fils adorés, comblant tes derniers vœux,
« Font revivre ton nom dans leurs jeunes neveux.
« Ouvre les yeux : regarde avec quelle tendresse,
« De la mort qui te suit j’avertis ta vieillesse !
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ŒUVRES DE FONTANES.