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ŒUVRES DE FONTANES.

« Léandre vint ; mon cœur oublia son effroi.
« Mes parents m’avaient dit : « N’engage point ta foi,
« Crains d’aimer ! » Je n’ai pu vaincre ma destinée ;
« Je pris à leur insu la robe d’hyménée ;
« Les Dieux m’en ont punie, et l’abîme écumant,
« Ô regrets ! dans ses flots a ravi mon amant.
« Je l’aimais à Sestos, ici je l’aime encore,
« Dût m’accabler le Ciel que j’offense et j’implore ! »

 Héro se tait, et voit Léandre à ses genoux ;
Leurs pleurs coulent ensemble, et ces pleurs sont plus doux :
Telles deux tendres fleurs, d’un peu d’eau trop chargées,
Penchent languissamment leurs têtes submergées.
Mais quel rayon propice a brillé dans le ciel ?
Quels feux plus éclatants s’élèvent sur l’autel ?
Du pardon attendu l’heure est-elle arrivée ?
Héro, près de Léandre aussitôt enlevée,
Vole sous un beau ciel à de plus doux climats.
Au retour du printemps, après de longs frimas,
Deux oiseaux de Vénus, deux colombes fidèles,
Côte à cote envolant ainsi battent des ailes :
L’hymen au même nid va les rejoindre encor.
D’autres ombres, comme eux, ont pris soudain l’essor,
Et, fuyant leur prison, d’une substance pure
Déployaient à l’envi l’éclatante parure.
Quand l’immortel Phénix, dans la myrrhe embaumé,
Sort du tombeau fécond qui l’avait enfermé,
Le Phénix renaissant fait briller moins de charmes.

 Thémislocle a quitté la campagne des larmes.